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Augmentation des matériaux : la difficile équation des entrepreneurs du paysage

Publié le 7 décembre 2021

Ce n’est un secret pour personne, les coûts des matériaux ont explosé depuis le début de la crise du Covid. Entre pénurie, hausse de la demande et un peu d’opportunisme industriel, les professionnels du paysage, comme beaucoup d’artisans et PME, subissent de plein fouet une sévère envolée des charges. Sans toujours pouvoir la répercuter sur leurs clients…

Deux années de contexte inflationniste

Début 2020, le monde découvre le coronavirus et le confinement à grande échelle. Dans un premier temps, l’impact sur les prix des matières premières est limité. Les usines sont à l’arrêt, mais la demande de matériaux est également faible. Deux confinements plus tard, la donne a complètement changé. Les particuliers décident d’utiliser le temps libre pour bricoler ou faire faire des travaux dans leurs logements. La demande explose. Mais l’offre est loin de suivre…

Dans la filière Aménagement Espaces Verts, la première alerte arrive en janvier 2021, avec la flambée des prix des structures et terrasses en bois résineux. N’arrivant plus à approvisionner leurs marchés intérieurs respectifs, les États-Unis et la Chine jettent leur dévolu sur le pin européen. Conséquence : le prix double en 6 mois.

Dans le même temps, les produits venant d’Asie et couramment utilisés dans la filière Jardins Espaces Verts commençaient à manquer. Les panneaux composites et le matériel électroportatif, par exemple, se font de plus en plus rares.

Outre les difficultés des usines et industries à fournir des matières premières ou fabriquer des produits, le coût des transports s’envole. Faire venir un conteneur d’Asie coûtait 1.000 dollars en 2019. Aujourd’hui, la fourchette évolue entre 10 et 15.000 $…

La conjonction de ces deux tendances lourdes conduit à des tensions extrêmes sur les marchés des matériaux. Et la situation ne semble pas tout près de se résoudre. À l’heure où nous écrivons ces lignes (novembre 2021), les importateurs estiment que ces produits ne seront pas disponibles avant juin ou juillet 2022, au mieux.

Les paysagistes tentent de s’adapter

En France, les professionnels de l’aménagement paysager font ce qu’ils peuvent pour amortir le choc. Heureusement pour beaucoup, l’année 2020 s’était soldée par un bilan plutôt positif. Ceux qui avaient de la trésorerie ont essayé de stocker un maximum de bois et consommables asiatiques. Avec un résultat en demi-teinte. « Un grossiste m’a proposé de stocker ces commandes exceptionnelles chez lui », confie un professionnel de la région rennaise. « Mais les délais ont été exceptionnellement longs. J’ai commandé du bois composite fin février 2021. J’ai été livré en octobre. Avec un supplément de 20% sur le tarif convenu… Mais je n’ai pas le choix. C’est ça ou je n’ai plus de quoi travailler pour les 6 mois à venir. »

Ces 20 % ont été suivis d’autres hausses. L’acier, même s’il est moins utilisé en Jardins Espaces Verts que dans le bâtiment, a vu son prix exploser de 150 % ! Une nouvelle augmentation générale de 5 à 20 % est annoncée début janvier 2022. Quasiment toutes les matières premières sont concernées : bois, ciment, métal, carrelage, vinyle, électronique, etc.

Depuis septembre 2021, les professionnels du paysage font face à une grosse pression de leurs clients pour faire des devis avant ces hausses. Les fournisseurs ne leur garantissant des prix que sur de courtes périodes – parfois 3 jours seulement – les paysagistes n’ont d’autre choix que de proposer des devis valables 15 jours.

Pour les devis signés avant les hausses, on a assisté à deux cas de figure. Soit le professionnel avait un peu de trésorerie et a pu honorer les chantiers sur la base du devis signé. Soit la trésorerie n’était pas suffisante, ce qui est souvent le cas pour les jeunes entreprises, et il a fallu revenir sur le devis, sous peine de devoir travailler à perte. Avec le risque de voir le client se retourner contre le professionnel…

Beaucoup d’entrepreneurs ont donc décidé d’arrêter de répondre aux demandes de devis pendant quelques mois. Les entreprises sont surchargées de travail. Les plannings sont remplis au moins jusqu’à juin. Aux pénuries de matériel, s’ajoutent aussi celles de main d’œuvre. Il est en effet difficile d’embaucher dans ce contexte incertain. De plus, les compétences se paient cher, or les salaires n’ont pas réussi à suivre le rythme de l’inflation. C’est pourquoi de nombreuses entreprises préfèrent temporiser, terminer les chantiers en cours et décaler les suivants, le temps de laisser la situation se stabiliser.

Toujours des nuages à l’horizon…

Sans vouloir être trop pessimiste, plusieurs éléments vont contribuer à entretenir cette tension sur les marchés et les difficultés des entreprises du secteur du paysage.

  • Même si le redémarrage des usines se fait progressivement, certains industriels ne semblent pas pressés de faire redescendre les cours des matériaux. Une façon pour eux de rattraper en partie les pertes dues à l’arrêt de leurs productions.
  • Le prix de l’énergie (électricité, gaz et pétrole) est en forte augmentation et va peser lourdement sur les charges des entreprises.
  • La Réglementation Environnementale 2020 (RE2020) entre en vigueur au 1er janvier 2022. Elle impose, entre autres, de privilégier le recours à des matériaux biosourcés et renouvelables. Cette loi destinée à réduire l’impact écologique du secteur du bâtiment risque d’avoir un impact sur les coûts de construction. Au moins dans un premier temps…

« Je pense que ça va être compliqué pendant 2 ou 3 ans », estime notre entrepreneur rennais. « Je conseille aux particuliers d’être patients et d’attendre que les prix se stabilisent et que les produits soient plus disponibles. Par exemple, en ce moment, il faut 16 à 18 semaines de délais pour les menuiseries extérieures. Malheureusement, il y a peu de chance de les voir revenir au niveau d’avant la crise… Pour atténuer l’augmentation du coût et/ou la durée des chantiers, il est aussi possible de changer de choix de matériaux. Le carrelage, par exemple, a peu augmenté et peut être une bonne alternative aux terrasses bois. »